Formation initiale du corps enseignant en jeu au Togo: La stratégie innovante

  Introduction

Avant d’embrasser certains métiers de masse dans le domaine public, le besoin de formation des personnes se pose. C’est le cas des catégories socio-professionnelles du métier des armes par exemple, mais aussi du métier de l’enseignement, de la fonction publique, etc. Les enseignants ont besoin de formation initiale pour être efficaces et efficients dans les établissements scolaires primaire et secondaire. La nature particulière de leur mission de service public, la politique d’enseignement, l’histoire du métier, les méthodes d’enseignement, la pédagogie, l’art des évaluations, la finalité d’un système éducatif, la gestion de l’éducation, l’usage des nouvelles technologies de l’information et de la communication, etc… sont autant de centres d’intérêt pour mobiliser cette partie de l’intelligentsia particulièrement utile pour tout pays. Pour se frayer une voie vers le développement, l’œuvre débute par la formation du capital humain. Se pencher sur le thème « la formation initiale du corps enseignant en jeu au Togo : cas des enseignants du primaire et du secondaire publics » revient à attirer l’attention du grand public et des décideurs de la situation critique de la préparation de la classe sociale la plus importante du pays pour s’occuper de la relève de demain. En effet, « l’excellence pédagogique… [par] la formation initiale et la formation professionnelle continue » (J. Schwille et al., 2007, p. 23) reste un déterminant essentiel de la réussite des élèves. Les effectifs d’enseignants dévoués à la cause de l’éducation nationale ne s’accumulent pas au hasard, et leur mission publique de reproduction des ressources humaines du pays s’amorce par la formation à la tâche de l’enseignement. Le destin d’un Etat qui sait répondre aux questions de sa croissance sociale se trouve sans nul doute entre les mains des instituteurs du primaire, des professeurs des collèges et des lycées appelés à modeler l’enfance, l’adolescence et la jeunesse avant leur entrée à l’université. Depuis la crise économique et socio-politique des années 1990, le problème de la formation des enseignants ne fait que s’accentuer dans le pays. La question actuelle du déficit de la formation initiale des enseignants avant leur déploiement sur le terrain de l’éducation nationale passe par une offre de solution novatrice et pérenne que la présente investigation tentera de concevoir.

1 - Cadre conceptuel

Le bien fondé de la recherche s’attache à circonscrire le problème en instance, la méthode d’engrangement des données et de leur exploitation. Il faut reconnaître d’ores et déjà avec D. Vaillant (2005, p. 22) que « la question de la professionnalisation des enseignants donne lieu à de vives discussions » pour situer que le sujet n’est pas simple.

1.1  – Le problème sociologique

Les décideurs centraux du système éducatif du pays savent bien que sans la formation initiale des enseignants, ces derniers ne seront pas dotés de principes de l’enseignement, de l’évaluation des apprentissages et des compétences, de la valorisation des productions des apprenants, etc… (République Togolaise, Ministère des enseignements primaire et secondaire, 2003, p. 15). Cependant, la majorité écrasante des enseignants du primaire et du secondaire publics n’est pas formée dans les écoles normales des instituteurs et des professeurs. Les enseignants une fois recrutés par voie de concours reçoivent en quelques jours une brève formation destinée plus à leur déploiement  et affectation dans les établissements à l’échelle nationale. Si une bonne partie du corps enseignant surtout du secondaire a acquis des diplômes universitaires comme la Licence, la Maîtrise ou le Master, celui du primaire se constitue par le Brevet d’études du premier cycle (BEPC) et au meilleur des cas, le Baccalauréat. Les postulants aux métiers d’enseignants satisfont en partie aux conditions générales de diplômes académiques d’entrée dans la fonction publique de l’éducation nationale. Cependant l’Etat abandonne l’autre condition nécessaire pour permettre l’exerce valable de la fonction d’enseignant, à savoir la formation initiale de ce dernier qui subira lui-même au cours de la carrière l’évaluation de la qualité de son enseignement (J. Scheerens, 2000, p. 125). Si certains experts défendent « l’augmentation du nombre des enseignants, à tous les niveaux » (F. Harbison, 1968, p. 18) particulièrement en mathématiques et sciences, comme priorité en développement des ressources humaines, ils ne mentionnèrent guère clairement le besoin fondamental de leur formation initiale. Aujourd’hui l’opinion publique en maturation commence se mobiliser pour la prise de décision dans le domaine du personnel enseignant (J. Daboué et al., 1996, p. 42)  même si elle est de nature moraliste. La dégradation de la qualité de l’éducation au Togo inquiète, en particulier les responsables de l’administration de l’éducation qui ne cessent de soulever les dysfonctionnements du système éducatif au primaire, au secondaire et par ricochet à l’université. Les objectifs d’apprentissage ne s’atteignent pas, l’efficacité interne se trouve compromise et la baisse du niveau général des écoliers et des élèves s’accentue d’année en année. La crainte d’une détérioration majeure irréversible de l’éducation nationale anime les décideurs qui plaident pour la prise en charge de la formation initiale et de la gestion de carrière des premières ressources humaines que constituent les enseignants. Les écoles d’instituteurs et les écoles normales des enseignants du secondaire datent peu après l’indépendance du pays. En gros, il manque toujours de milliers de places dans les écoles professionnelles pour accueillir les promotions successives des enseignants que l’Etat recrute presque annuellement. En dépit de l’existence de possibilités et stratégies concurrentielles pour la formation initiale efficace des enseignants, l’on ne comprend pas l’absence de programme de formation de l’élite de la future élite du Togo. Il s’agit absolument de cerner aujourd’hui l’actuel déficit pour proposer un système novateur de formation initiale,  professionnelle et continue des enseignants du primaire et du secondaire en vue de tenir l’engagement de la qualité de l’éducation et des apprentissages selon les normes en la matière du XXI siècle.

1.2  – Les méthodes de recherche

Les méthodes quantitatives et qualitatives s’imposent indispensables dans le contexte de la présente investigation ayant considéré les données éducatives du Togo jusqu’à l’année 2018. Une technique de sondage aléatoire à Lomé a permis d’interroger un échantillon probabiliste d’un corps enseignant de 125 instituteurs d’une part, et de 50 professeurs du secondaire d’autre part, pour mesurer la fréquence des enseignants formés ou non dans les écoles normales. Par les techniques d’observation, d’entrevue et d’interview, le moyen d’engranger des données pertinentes pour l’étude s’est diversifié. En effet, l’observation de la prestation des enseignants dans certaines écoles préalablement ciblées de la capitale, la rencontre avec un corps enseignant, certains directeurs d’écoles, proviseurs, censeurs, surveillants, décideurs publics de l’Etat central, etc… ont apporté une quantité significative des expériences concrètes de terrain des praticiens et des spécialistes de l’éducation. Le point de vue des responsables de l’éducation au niveau local, régional et central et du ministère des enseignements primaire et secondaire ont éclairé la dialectique de l’analyse et de la compréhension du sujet en cause.

1.3  – Définition et théorie de la formation initiale des enseignants

Gérer une classe d’écoliers ou d’élèves dans un établissement public ou même privé ne s’improvise pas pour parer aux incertitudes et aux  désordres qui menacent continuellement l’organisation sociale d’un petit groupe humain quelque soit la composition d’âge de ses membres. L’assurance professionnelle d’un enseignant devant ses élèves et les prestations éducatives associées en vue du partage, de la transmission et de la construction du savoir suppose la maîtrise de l’art pédagogique de l’enseignement et d’ouverture de l’esprit général des élèves. Ces qualités ne s’obtiennent pas seulement par des diplômes académiques reçus par les enseignants eux-mêmes, mais par l’effet de la formation initiale et professionnelle. Les experts de l’UNESCO définissent celle-ci comme « enseignement ou formation de type général ou professionnel se déroulant au sein du système d’enseignement ou de formation initiaux, en principe avant l’entrée dans la vie active » (learningportal.iipe.unesco.org). A défaut de cette formation initiale, les enseignants deviennent des instituteurs et des professeurs « « empiriques », c’est-à-dire exerçant sans avoir jamais reçu des cours de formation initiale » (Ibidem). Pour être clair à propos du programme exigeant de professionnalisation des enseignants avant leur affectation sur le terrain, l’Organisation Internationale du Travail (OIT) a retenu une définition de « la formation initiale des enseignants » en des termes beaucoup plus conventionnels et précis. En effet, pour l’OIT, l’expression en question s’appréhende comme « formation des enseignants avant qu’ils soient chargés d’enseigner ou qu’ils prennent leurs fonctions définitives » (Ibidem). Les enseignants débutants doivent alors être formés aux méthodes d’enseignement, de gestion des classes, d’administration des établissements scolaires, bref en pédagogie et sciences de l’éducation. L’enseignant, avant d’être opérationnel dans le secteur de l’éducation nationale passe d’abord par le statut d’étudiant en pédagogie, doublé de sa spécialisation précédemment obtenue par diplôme académique. L’expression « formation initiale des enseignants » signifie tout simplement l’art d’assimilation des connaissances, des savoirs, des valeurs, des attitudes et des aptitudes pour devenir instituteur des écoles primaires ou professeur des collèges et lycées. Ces savoir-faire et savoir-être ne s’acquièrent pas sur le tas ou empiriquement, mais dans les écoles d’instituteurs et dans les écoles normales.

Les théoriciens de la formation des enseignants justifient cette étape nécessaire d’acquisition des techniques de la pédagogie pour permettre de mieux transmettre les connaissances, les valeurs, les comportements et les dispositions à apprendre aux écoliers et aux élèves en vue de leur croissance intellectuelle harmonieuse dans l’espace éducatif et social depuis la fondation de la sociologie de l’éducation de Emile Durkheim.

La théorie du renforcement des capacités en ressources humaines pousse même le personnel enseignant comme le reste du personnel public des ministères de l’éducation à apprécier le bien fondé et l’utilité des formations professionnelles avant et en cours des carrières (A. De Grauwe et al., 2009, p. 31, ). La crise de la qualité et de la motivation des enseignants pourrait être résorbée dans un contexte, non pas seulement, de mesures incitatives purement financière comme le prouve si aisément L. Crehan (2017, p. 52-55), mais d’un plan global du métier d’enseignement avec au centre de la préoccupation la formation initiale et continue des enseignants.

Le but de la formation initiale des enseignants revient aussi à vaincre les peurs et appréhensions des instituteurs du primaire et des professeurs du secondaire même à l’endroit de ceux qui embrassent la carrière par vocation. S’engager dans l’enseignement par plein consentement ne garantit pas la maîtrise des aléas et affections humains qui peuvent ronger le courage de l’enseignant dans les zones éducatives jugées difficiles. Se fondant sur un rapport sur l’éducation du Conseil de l’Europe, Jean-Louis Auduc justement appuie substantiellement l’idée. Ainsi, en face d’un contexte local particulier, il faut alors « aux enseignants de nouvelles connaissances qui leur permettent d’une part de mieux comprendre les conditions sociales de l’éducation, de l’autre de mieux faire face aux conflits et expliquer ou défendre certaines solutions pédagogiques précises » (J-L. Auduc, 1998, p. 29). La profession enseignante ne se fonde pas uniquement sur les qualifications académiques sinon tous les diplômés sauraient enseigner. Cette profession comporte une dimension de sacerdoce, et par déduction n’attire que des personnes ayant une réelle vocation à la tâche de transmettre, de partager, de construire et de valider les savoirs et valeurs propres à préserver la société locale et globale du développement socio-économique. Il revient à l’Etat de valoriser la catégorie socio-professionnelle des enseignants sur laquelle repose la reproduction des ressources humaines du pays, ceci par une politique publique de l’éducation contenant un programme d’incitation et de formation au métier d’enseignement. Au nom des divers travaux de recherche sur l’efficacité des instituteurs et des professeurs, on ne peut plus ignorer aujourd’hui que le « développement cognitif, affectif et social des enfants » (L. W. Anderson, 2004, p. 124) dépend largement de la formation des enseignants à prioriser dans les politiques publiques éducatives. A présent, le facteur de la formation initiale des enseignants reste à figurer en bonne place dans la « construction d’un système d’information pour la gestion du personnel enseignant » (G. Göttelmann-Duret, 1998, p. 32) dans un but de planifier le renforcement des capacités de l’ensemble du corps formateur du système éducatif du pays. 

2      -  Le quasi-abondon de la formation des enseignants du primaire et du secondaire

Il est difficile de connaître la proportion des enseignants formés dans les écoles normales. Ce qui dénote d’ores et déjà que la règle du profil de qualification des enseignants dans le pays semble lié au niveau académique et le profil d’exception lié au bénéfice d’une formation initiale. Il « manque de fiabilité des données collectées au niveau de la formation professionnelle initiale et continue des enseignants » (République Togolaise, Ministère des Enseignements Primaire, Secondaire et de la Formation Professionnelle, 2016, p. 74) et seul le niveau académique des enseignants est connu des services officiels de l’éducation. L’insuffisance du programme de formation initiale des enseignants a conduit ce corps à se prendre lui-même en charge par ses propres pratiques éducatives.

2.1 – Une formation non systématique des instituteurs de l’enseignement primaire

En principe, les instituteurs recrutés pour enseigner à l’école primaire doivent recevoir en priorité une formation initiale pendant au moins deux ans dans les écoles normales d’instituteurs en plus de leurs diplômes académiques de BEPC ou Baccalauréat. Cette nécessaire formation initiale à l’art de l’enseignement s’explique par la position particulièrement délicate de l’accueil de l’enfance, en l’occurrence les écoliers en début du cursus scolaire. Ce niveau d’enseignement que certains auteurs désignent par « enseignement fondamental » ou « primaire » reste le plus difficile à régir dans un système éducatif. En effet, cette période scolaire se charge de créer l’amour d’apprentissage d’un premier paquet de socle de connaissances, de valeurs et de compétences sur lequel viennent se greffer plus tard d’autres niveaux d’éducation. L’école primaire combinée au jardin d’enfants constitue la fondation scolaire la plus complexe à bâtir dans le cursus d’apprentissage et d’éducation des enfants. Ce qui devrait obliger l’Etat à s’occuper prioritairement de la formation systématique des instituteurs en pédagogie et sciences de l’éducation. Ce que l’ont constate, la tradition de formation des instituteurs même si elle existe encore, ne couvre pas tous les besoins de formation initiale du corps enseignant. A notre connaissance, quelques écoles normales d’instituteurs se consacrent à ce but au Togo : Il s’agit de :

- l’Ecole Normale d’Instituteurs de Jardins d’Enfants de Kpalimé ;

- l’Ecole Normale d’Instituteurs de Kara et

- l’Ecole Normale d’Instituteurs de Notsé…

Dans les faits, faute de places dans ces écoles et de ressources, tous les instituteurs du pays ne bénéficient pas de la formation pédagogique avant leur déploiement dans les établissements scolaires de l’enseignement primaire.

Un sondage aléatoire dans certains établissements primaires publics de Lomé et regroupant 125 instituteurs généralement nantis d’un Baccalauréat ou du Brevet d’études du premier cycle (BEPC) apporte des renseignements édifiants. En effet, 78,4% d’instituteurs n’ont pas reçu de formation initiale contre seulement 21,6%.

Le besoin et la demande de formation initiale en pédagogie pour les enseignants du primaire restent primordiaux si l’on vise la qualité de l’enseignement et des apprentissages dans les écoles primaires du pays. Les enfants dès le bas âge constituent en soi des fleurs d’esprit humain. Seuls les maîtres ou maîtresses d’écoles outillés de pratiques éducatives modernes reçues dans les écoles normales ont la puissance de produire des résultats tangibles dans les établissements primaires rassemblant ces enfants. Les écoliers connaitront un développement psychologique, cognitif et socio-affectif digne d’un pays avancé. Un bon niveau de formation initiale en pédagogie et sciences de l’éducation, voire continue ne s’obtient que dans un dispositif d’écoles normales à implanter sur l’ensemble du territoire, en considération de la demande éducative à corréler au nombre toujours croissant des enseignants à recruter. Malheureusement le contexte de politique éducative locale ne maintient pas une doctrine d’offre systématique de formation des enseignants. Ceux-ci n’existent professionnellement que par leur formation académique reçue pour certains, à l’université et pour d’autres, le nombre d’années de pratiques éducatives. En effet, l’ancienneté dans l’activité de l’enseignement des maîtres et maîtresses d’écoles construit une certaine expérience pédagogique limitée. C’est pourquoi J. Marchand (2000, p. 204) conseille que « les compétences lacunaires des enseignants doivent être renforcées, pour donner une assise professionnelle à leur expérience. »

2.2  – Le manque de formation initiale des professeurs du secondaire

L’importance de la formation des enseignants du secondaire ne se distingue pas dans la volonté politique des dirigeants de l’éducation nationale. Ce qui maintient le système éducatif dans un semblant ordre de bataille scientifique et culturelle, dérive du fait que les enseignants reçus pendant les concours publics de recrutement sont de niveau académique encourageant : le diplôme de Licence pour le premier cycle du secondaire (collège), la Maîtrise ou le Master, voire exceptionnellement le Doctorat pour le second cycle du secondaire (lycée). Une proportion dérisoire d’enseignants des collèges et lycées suivent une formation initiale dans quelques écoles normales du pays :

- l’Ecole normale supérieurs d’Atakpamé et

- l’Institut des Sciences de l’Education de l’Université de Lomé.

En face du manque des structures d’écoles normales, il n’est pas du tout étonnant de relever à partir d’un sondage aléatoire auprès d’une cinquantaine d’enseignants du secondaire public affectés à Lomé que la majorité écrasante reste sans formation initiale. La proportion d’enseignants ayant bénéficié d’une formation pédagogique dans une institution d’école normale se dégage faiblement avec seulement 22% des enquêtés contre plus que majoritairement 78% sans formation initiale.

Il est donc illusoire de parler de l’existence d’un programme de formation pédagogique des enseignants du secondaire. Les conséquences ressenties sur le système éducatif s’aperçoivent sur la qualité des apprentissages, la baisse du niveau général des collégiens et lycéens sans oublier les taux de redoublement et d’abandon particulièrement élevés dans le pays parce que avoisinant 30%. Le taux de réussite, par exemple, au BEPC excède rarement 60% des effectifs inscrits à l’examen national, et celui du Baccalauréat 50% des candidats présentés. Au secondaire l’expérience pédagogique des professeurs se réalise au fil des années d’ancienneté dans la pratique de l’enseignement. Pour obtenir un système éducatif de qualité, « on peut raisonnablement poser des questions en rapport avec la qualité sur tout aspect important d’un système : infrastructure, bâtiments scolaire, administration, formation pédagogique, matériels pédagogiques, activité enseignante ou acquis scolaires » (T. Kellaghan, V. Greaney, 2002). De commun constat avec les auteurs T. Kellaghan, V. Greaney, en matière de la qualité de l’éducation, alors 50% concernent des préoccupations matérielles et 50% autres celles humaines. Dans tous les cas, une carence sérieuse surtout relative aux ressources humaines compétentes et professionnelles impactera les résultats éducatifs à attendre meilleurs normalement, eu égard aux dépenses publiques et privées de la nation dans le domaine de l’éducation.

            2.3 – L’option risquée de la formation sur le tas des enseignants

Pour représenter le procédé par lequel la majorité des enseignants usent pour apprendre à enseigner dans le système éducatif togolais, les principaux marqueurs conceptuels demeurent l’ancienneté dans la profession enseignante et la méthode de formation sur le tas. En effet, le déficit chronique des ressources en termes d’infrastructures, de structures et de superstructures à allouer à la formation de la première armée du service public de près de 50 000 enseignants, frappe dangereusement l’éducation nationale. Les divers ministères de l’éducation se contentent de recruter des promotions successives d’enseignants sur l’unique critère intellectuel de diplômes académiques reçus à l’université pour les affecter directement, sans formation initiale, dans les diverses chaînes d’établissements scolaires secondaires. Il va sans dire qu’il est de la responsabilité personnelle du corps enseignant d’apprendre par eux-mêmes l’art d’enseigner. André Giordan et Y. Girault (1994, p. 144) le confirment tout en renouvelant la recommandation qu’il faut inciter toujours à un plan de formation continue des enseignants, « qui malheureusement actuellement dépend le plus souvent de la seule volonté de chacun. » La formation pédagogique sur le tas et l’ancienneté des professeurs du secondaire restent discrètement la disposition informelle que l’Etat applique dans l’enseignement et même dans l’administration et la gestion du système éducatif. Le manque de formation initiale des professeurs des collèges et lycées dédoublé de la dégradation de leurs conditions de travail, de rémunération et d’avantages sociaux mettent à mal la plus grande entreprise publique consacrée à la formation des ressources humaines nécessaires à l’œuvre du développement socio-économique, politique et environnemental. Préparer un corps de métier de cette importance capitale pour l’Etat et la nation sur le procédé du tas et de l’ancienneté s’apparente à manquer de vision et de doctrine cohérente pour l’éducation nationale. Cela s’oppose nettement à la théorie avérée de la place centrale à accorder aux enseignants formés dans le dispositif de la qualité du système éducatif. Il n’est plus de secret pour personne que le XXIème siècle offre une panoplie de moyens et de ressources éducatives pour former les enseignants avant de les déployer à travers les établissements scolaires du pays.

3      – L’université comme stratégie globale de résolution des problèmes du système éducatif

L’université a des moyens scientifiques, académiques, pédagogique, culturelles et de coopération pour servir de lieu et de temps de la formation initiale des futurs enseignants dans une perspective de la rénovation du diplôme de Master comme meilleur critère de qualification pour enseigner dans les écoles primaires, dans les collèges et lycées. Avant de démontrer l’idée, le rappel des atouts illimités des universités publiques du pays, participe à la valorisation de l’institution universitaire qui reste dans certains pays la stratégie interdisciplinaire de résolution des problèmes de la nation. Le premier problème national, selon nous, étant l’éducation, « les universités et les instituts pédagogiques devraient être encouragés à entreprendre des recherches multidisciplinaires pour accompagner le développement » (E. Brunswic, J. Valérien, 2003, p. 113) de la formation du capital humain global.

            3.1 – La nouvelle offre potentielle des universités publiques

Lorsqu’une université publique accueille des milliers de jeunes inscrits pour étudier les sciences exactes, sociales et humaines, les mathématiques, les arts, les métiers, etc… il faut que l’Etat, le gouvernement central et les ministères chargés de l’éducation profitent pour intégrer la formation pédagogique dans toutes les facultés, écoles, instituts, départements et autres appareils de formation comme d’intérêt public. En effet, la pédagogie et les sciences de l’éducation restent utiles, non seulement pour les étudiants qui désirent embrasser dans un futur proche la carrière enseignante, mais pour l’ensemble de l’élite citoyenne dans la mesure où l’homme est un être éducateur et à éduquer. En effet, les ménages des classes moyennes sorties des universités, seront confrontés un jour ou l’autre à l’éducation des enfants, ne seraient-ce que les siens propres. Tous les étudiants à l’université sont en puissance des futurs enseignants du système éducatif ou vraisemblablement futurs pères ou mères de famille. Si le rapport parent-enfant à la maison n’est pas éloigné de la condition humaine des étudiants, une bonne proportion des étudiants diplômés des universités se dirigeront vers la carrière enseignante, d’où fera surface le rapport maître-élèves très exigeant dans une société moderne.

3.2 – Faire de l’université l’endroit idéal de formation aux métiers d’enseignants

Pendant que les étudiants s’adonnent aux études supérieures de spécialité quelles qu’elles soient dans les universités publiques du pays, un programme de formation en pédagogie et sciences de l’éducation, est à intégrer en concomitance avec les études de spécialisation dans l’ensemble des facultés, écoles, instituts, excepté les écoles de pédagogie et assimilées. Ce programme de formation reste alors par nature indépendant des projets universitaires particuliers des étudiants, c’est-à-dire sans tenir compte de leur option d’études. Celle-ci peut concerner les sciences exactes, mathématiques, sociales ou humaines ou encore les arts. On part du principe que tous les apprenants sortant des universités seront appelés à devenir un enseignant dans le cadre du service public, privé ou même dans le cadre du ménage. L’obligation de l’enseignement de la pédagogie et des sciences de l’éducation dans toutes les branches d’études universitaires pendant que les étudiants s’inscrivent à l’université, prépare tout le monde estudiantin à la capacité du métier d’enseignant. L’Etat n’ayant plus de moyens pour construire les infrastructures et structures de formation initiale dénommées écoles des instituteurs ou écoles normales des professeurs de collèges et de lycées, l’université devient l’endroit idéal et le temps propice de formation pédagogique pour tous les étudiants sans exception et indépendamment de leurs études de spécialisation. Vu l’introduction du programme de formation initiale de tous aux métiers d’enseignement, il faut consacrer une catégorie de diplômes susceptible de contenir ce programme dans l’objectif de constituer pour un futur proche un nouveau corps d’enseignants. Les consultations avec les spécialistes de l’éducation sur le plan national et international ont identifié le diplôme de Master.

Tout au long de la formation au diplôme de Master qui commence dès la première année de Licence, un programme de formation pédagogique peut s’intégrer valablement avec un poids de crédit d’au moins 30, donc environ un semestre minimum de formation et de succès aux évaluations requises. Le diplôme de Master serait le niveau de formation auquel tout postulant au métier d’enseignant devrait désormais réussir pour être apte à enseigner au primaire ou au secondaire comprenant le collège et le lycée. L’unique qualification de Master d’ordre professionnel permettra la naissance d’une seule catégorie d’enseignants doublement qualifiée d’un diplôme académique composé d’une formation académique dans une science exacte ou sociale ou encore humaine, en plus d’une formation initiale aux métiers d’enseignement. La réforme éducative rehausserait la qualité de l’enseignement et des apprentissages dans la mesure où ce nouveau profil théorique, pratique, intellectuel et professionnel permet la maîtrise des méthodes d’enseignement, la gestion des écoles, des collèges et des lycées. Par ailleurs, les inégalités entre carrières et divers traitements des enseignants, n’existeraient plus pour nourrir des conflits humains et sociaux préjudiciable à la stabilité et à la qualité de l’éducation nationale. Il existe trop de castes d’enseignants dans le pays, à savoir instituteurs, professeurs de collège, professeurs de lycée, fonctionnaires, contractuels, volontaires, temporaires, etc. Selon la doctrine, la mission intrinsèque de tout système éducatif, c’est de refléter une certaine condition égalitaire de la masse critique des enseignants et une certaine réalité de l’égalité des chances entre apprenants. Le nouveau Master en sorte professionnelle comme référence nationale de qualification pour enseigner au primaire et/ou au secondaire outille par excellence ce corps unique d’enseignants du XXIème siècle à conduire non seulement des activités d’enseignement et de gestion des établissements, mais initier celles des recherches sur leurs propres pratiques éducatives. L’évaluation et la promotion des membres du nouveau corps d’enseignants se fonderont aussi bien sur les résultats scolaires des apprenants que des résultats de recherche qui serviront à comprendre les évolutions, problèmes et dysfonctionnements du système éducatif en vue d’une meilleure identification de solutions aux maux assaillant l’éducation nationale.

3.3 – Vers la formation pédagogique universelle des étudiants indifféremment de leur spécialisation à l’université

Manquer de former les étudiants aux arts de transmission, de partage et de construction du savoir pendant qu’ils se retrouvent à l’université devient un gâchis énorme de temps, d’espace et de ressources alors que tout le monde a ce besoin intellectuel à combler. Ne privilégier qu’une formation unique et exclusive en relation avec la spécialisation de l’étudiant constitue une erreur stratégique pour les Etats qui n’ont pas des moyens pour construire les écoles d’instituteurs et les écoles normales pour la formation des enseignants. L’organisation unidimensionnelle, non intégrale et unidisciplinaire actuelle de l’université publique est une perte de temps et de ressources pour l’Etat et les étudiants qui ont pour la plupart vocation à embrasser la carrière enseignante. Il n’est pas efficient et efficace de former les étudiants à l’université d’abord pour des qualifications académiques en mathématiques, sciences exactes, humaines, sociales ou en arts pour ensuite conduire ceux qui réussissent aux concours nationaux de recrutement des enseignants vers les écoles normales en vue de leur formation initiale en pédagogie. Or naguère ils étaient encore à l’université. Quelque soit l’effort d’un gouvernement pour ouvrir les écoles normales, il n’y aurait jamais autant de places dans ces écoles que, d’ailleurs, l’Etat peine à construire par manque de ressources. Des auteurs comme Antoine Traoré défendent une formation initiale minimale. L’intérêt « des politiques de formation accélérée [des enseignants] est qu’elles permettent de suppléer au manque d’enseignants à des coûts réduits et dans l’immédiat » (A. Traoré, 1997, p. 29). Toutefois l’auteur reconnait « qu’une formation de courte durée risque d’avoir des conséquences néfastes sur la qualité de l’enseignement » (Ibidem, p. 29). 

Ce qu’il faut aujourd’hui admettre pour que « l’Etat éducateur » se réforme systématiquement, revient à prendre conscience que les maigres ressources publiques prévues par le pays pour la formation initiale des enseignants se mettent aux mauvais endroit et moment. Le bon endroit pour cette formation devient aujourd’hui l’université et le meilleur moment reste le temps des études des étudiants. Les universités publiques existent déjà et disposent des infrastructures, des structures et des superstructures qu’il faut développer, améliorer, renforcer et moderniser dans le but de répondre au programme structurel d’universalisation de l’enseignement de la pédagogie à l’université pour tous les inscrits peu importe s’ils se destinent ou pas à l’enseignement. La disponibilité des nouvelles technologies de l’information et de la communication pourrait appuyer ce programme d’importance capitale pour redresser le déficit cuisant de la qualité de l’éducation. La formation présentielle ou à distance en pédagogie s’accommodent efficacement avec les nouvelles technologies qui deviendraient des outils auxiliaires pour développer chez tous les étudiants les moyens d’acquisition des savoir-apprendre, savoir-enseigner, savoir-être et des savoir-faire dans le but de révolutionner le système éducatif togolais. Cependant la formation des pédagogues, des inspecteurs de l’éducation nationale, des conseillers pédagogiques resterait exclusivement dans le giron des instituts des sciences de l’éducation et des facultés de pédagogie des universités.

 

Conclusion

Moins d’un quart du corps enseignant tous degrés d’enseignement confondus a reçu une formation initiale en bonne et due formes dans les écoles normales à partir des résultats de la présente investigation sur terrain en 2017. Le motif évoqué revient à dire que l’Etat manque de moyens pour ouvrir des écoles normales en vue d’accueillir les jeunes diplômés qui se destinent aux métiers d’enseignement dans le système éducatif national. Le déficit d’écoles normales au bénéfice de la formation des nouvelles cohortes d’enseignants affaiblit la qualité de l’enseignement et des apprentissages au Togo. Ce qui provoque davantage des dysfonctionnements et des remous fréquents dans le système éducatif. Il est temps de réformer structurellement l’ancien modèle de formation des instituteurs et des professeurs du secondaire pour instaurer un nouveau plus novateur, efficace et efficient. Il s’agit de la formation des étudiants aussi comme futurs enseignants pendant qu’ils sont en formation dans les diverses disciplines de connaissances de leurs choix dans les universités publiques. L’université a vocation pour devenir une stratégie globale de résolution des problèmes de la nation,  parmi lesquels se situe fondamentalement la formation des enseignants des écoles, collèges et lycées. Cela se rendrait possible par l’offre d’un programme de formation pédagogique universelle, c’est-à-dire à tous les étudiants inscrits dans les universités publiques en vue d’un nouveau cursus de Master d’ordre professionnel. Les jeunes diplômés en Master académique avec des compétences pédagogiques d’au moins un semestre, et intéressés aux métiers d’enseignement seront directement employables dans les établissements scolaires primaires et secondaires. L’Etat n’aurait plus besoin de conduire les jeunes enseignants nouvellement recrutés dans les écoles normales pour leur formation initiale avec ce que cela comporte comme perte de temps et de ressources qui manquent toujours pour la cause du financement de l’éducation nationale. L’idée de constituer une seule catégorie d’enseignants avec le diplôme de Master d’ordre professionnel rénové pour à la fois l’enseignement primaire et secondaire, permettra de résorber les principaux dysfonctionnements du système éducatif en conformité avec les normes éducatives modernes.

 

Bibliographie

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ALEZA Sohou, Université de Lomé.

 

 

 

 

 

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