Une leçon inaugurale en analyse de politiques éducatives du Togo

Introduction

Les systèmes éducatifs des pays du monde ont progressé en termes quantitativement favorables au niveau des taux de scolarisation et de scolarité primaire, secondaire et universitaire. Au Togo, par exemple, les taux nets de scolarisation primaire, secondaire et tertiaire (université) se distribuent respectivement de 80%, 67%, 17%, donc en gros 60% des Togolais savent lire, écrire ou calculer. A l’instar de ce pays et en se référant aux statistiques mondiales de l’Organisation des Nations Unies pour l’Education et la Culture -UNESCO, ceux du reste du monde connaissent des chiffres éducatifs encourageants. Y a-t-il une efficacité directe du système éducatif national sur le changement sociétal attendu, par exemple ? L’efficacité d’un système éducatif dans une mesure entraîne avec elle la qualité, l’égalité et l’équité de l’éducation nationale. L’analyse des données, rappellerait les fondements et les fonctions de l’éducation dans la Cité. La distribution du développement socio-économique à travers les pays du monde se comprend par son lien à la performance du système éducatif générant un type de capital humain. L’instruction et la formation, instruments alors fondamentaux dans le processus de développement durable suppose en ce début du XXIème siècle être plus important que jamais sur les autres préoccupations humaines qui sont au final le résultat des premières. Le Togo après avoir hérité de la colonisation un système d’éducation qui restait à être adapté comme il le convient aux conditions de son développement et de son environnement, a adopté en 1975 une réforme de l’enseignement à l’origine de l’organisation du système éducatif actuel.

Après une longue période historique, la réforme éducative de 1975 se complète aujourd’hui par la politique de décentralisation et ses dépendances éducatives à découvrir par les futurs administrateurs de l’éducation. En effet, la sociologie de l’éducation se rend compte que le destin d’un système éducatif formel en ses points surtout de qualité, d’égalité, d’équité, reste entre les mains des principaux acteurs de l’Etat. Plus l’entité nationale se démocratise ou se décentralise, mieux se comporte la qualité de l’enseignement primaire, secondaire et plus loin universitaire. La priorisation des besoins en ressources de l’éducation pour tous et de la formation dans le budget national se conçoit nettement dans l’espace réellement démocratique. L’effort d’analyse de la sociologie de l’éducation sur les institutions publiques s’explique par cette nouvelle prise de conscience. Si les spécialistes de l’éducation ne s’attardent et ne s’attachent pas à étudier le fonctionnement de l’Etat, ils ne pourront pas être solides pour éclairer les négociateurs en matière du financement des enseignements primaire, secondaire et supérieur qui ont besoin à l’appui d’études diagnostiques en vue de leur modernisation.

Un diagnostic scientifique du secteur de l’éducation nationale s’efforce d’en interpréter les tendances et d’en cerner les problèmes et contraintes. Il comporte l’analyse des pratiques et plans éducatifs et de leur impact sur le système notamment aux niveaux clés de l’efficacité interne et externe, l’égalité, l’équité, etc. L’analyse des politiques de l’enseignement constitue une partie importante de l’administration de l’éducation. Elle examine la cohérence des objectifs des politiques éducatives et leur pertinence par rapport à la situation sociale, économique, culturelle et stratégique du pays, puis évalue la mesure dans laquelle le système éducatif atteint les buts fixés avec au centre la mission du corps enseignant[1].

En effet, les questions d’efficacité éducative, de l’égalité, de l’équité, etc… dépendent des pratiques enseignantes à améliorer par la formation initiale Depuis la crise économique et politique des années 1990, le problème de la formation des enseignants ne fait que s’accentuer dans le pays, du fait de l’absence de politiques éducatives alternatives pour former professionnellement le corps. Aujourd’hui, des milliers d’enseignants, tous ordres confondus, attendent une formation initiale ou du moins un recyclage. La question actuelle du déficit de la formation initiale des enseignants avant leur déploiement sur le terrain de l’éducation nationale passerait sans doute par l’accès aux livres, manuels scolaires et NTIC pour tous.

Les télécommunications modernes constituent sans équivoque un canal obligé vers le développement de l’éducation. En d’autres termes, les formes d’éducation, de formation, d’emploi, de production, de transformation, de commercialisation et de consommation ne peuvent plus faire fi des nouvelles technologies. A part les NTIC, la fourniture en quantité suffisante du matériel éducatif, pédagogique et de bonne qualité aux écoles, collèges, lycées et universités reste un objectif politique prioritaire de tous les pays, y compris le nôtre. S’agissant de faire progresser la qualité, l’égalité et l’équité de l’éducation, la recherche internationale a démontré à plusieurs reprises que les manuels scolaires et autres matériels éducatifs sont des instruments clés des meilleurs processus d’apprentissage pour tous à côté du contrôle par l’inspection de l’éducation nationale sur l’évolution du système scolaire et universitaire.

Comment les acteurs de l’école, du collège et du lycée posent-ils le problème d’inspection dans le but de développer l’efficacité, l’égalité et l’équité éducatives ? Les changements intervenus çà et là dans les services d’inspection sont l’occasion de tirer des éléments pertinents pour concevoir un projet d’amélioration et de renforcement de l’inspection scolaire digne des résultats éducatifs réduisant des disparités. Nous ne manquerons pas de relever des difficultés relatives au programme de réforme de l’inspection de l’éducation nationale qui finalement, lorsqu’on observe les faits scolaires, elle repose sur la performance des universités du pays. En effet, l’éducation nationale se maintient par la qualité du système universitaire.

Concernant l’enseignement supérieur, encadrer le fonctionnement des universités de normes administratives et juridiques de gouvernance ne suffit pas pour bâtir des universités rayonnantes et modernes capables de répondre à la question de l’encadrement de tout le système éducatif d’un Etat. La carence d’une politique formelle de l’enseignement supérieur et ses conséquences, voudrait instaurer un nouveau débat de fond sur l’intérêt des politiques universitaires claires issues d’un diagnostic crédible avant d’entreprendre des projets éducatifs de haut niveau.

L’entrée en fond de la problématique des politiques d’efficacité, d’égalité et d’équité en éducation est subordonnée à la maîtrise des éléments de définition liés aux concepts inhérents à l’unité d’enseignement. Il s’agit bien de l’éducation, de la politique éducative, des éléments conceptuels comme l’égalité, l’équité, l’efficacité, etc.

1 - Rappel de la définition de l’éducation

L’éducation constitue un concept assez vaste. Même si l’éducation semble être indéfinissable du fait de ses objectifs imprécis, il revient de constater dès le départ que tout apparaît dans l’environnement comme de l’éducation. Il serait dogmatique de circonscrire quelque chose de précis pour l’assimiler à l’éducation. L’éducation au sens général qui permet de « rendre les citoyens vertueux »[2] prend sa source chez Aristote qui trouvait la psychologie de l’Homme trop sujette aux passions. Alors il faut l’imposer l’instruction tout au long de sa vie. Le Grec pense que l’éducation représente une affaire humaine et sociale sérieuse pour que les représentants du peuple, aujourd’hui, Assemblée nationale, s’en occupent formellement. Ainsi instruit-il : « le problème principal du législateur : l’éducation … qu’il faille légiférer sur l’éducation et qu’il faille s’en occuper collectivement. »[3] En « éducation, … on apprend, d’une part, par l’habitude, d’autre part par l’enseignement. »[4] L’éducation doit comprendre des matières utiles pour développer l’intelligence comme les sciences, les lettres, les arts, la gymnastique, la musique, etc. Aristote interdit d’enseigner les mêmes disciplines aux jeunes. Pour lui, les âges scolaires vont de sept à vingt-et-un ans, même si, à partir de cinq ans, l’enseignement préscolaire pourrait commencer. Les travaux du génie de l’Antiquité détermineront l’émergence l’Education comme science.

Le rendez-vous de l’histoire des sciences avec Emile Durkheim, père de la sociologie de l’éducation moderne et certainement inspiré par Aristote, a permis de formuler cette discipline scientifique singulière. Son érudition dans le domaine l’a conduit à l’approche de l’éducation comme science, patrimoine de l’humanité, contenu, contenant et stratégie d’existence humaine. La fameuse formule de Durkheim pour définir l’éducation reste particulièrement célèbre :

« L’éducation est l’action exercée par les générations adultes sur celles qui ne sont pas encore mûres pour la vie sociale. Elle a pour objet de susciter et de développer chez l’enfant un certain nombre d’états physiques, intellectuels et moraux que réclament de lui et la société politique dans son ensemble et le milieu spécial auquel il est particulièrement destiné. »[5]

Un descendant scientifique de Durkheim que je nomme Cherkaoui, lui part du « sens étymologique latin d’educere, c’est-à-dire conduire un être non social à devenir social »[6] pour définir l’éducation qui s’annonce toujours comme un concept sans limite. A partir de Ferréol G. et ses collaborateurs, une précision commence par se constituer pour recouvrer

« toute activité sociale visant à transmettre à des individus l’héritage collectif de la société où ils s’insèrent. Son champ de compréhension inclut alors tout autant la socialisation du jeune enfant par sa famille, la formation reçue dans des institutions ayant une visée éducative explicite (écoles, mouvements de jeunesse) ou dans le cadre de groupements divers (associations sportives, culturelles, groupes politiques), l’influence du groupe des pairs, des mass-médias, etc. »[7]

Invoquer l’éducation dans un débat suppose d’être prudent en s’efforçant de préciser ses composantes. Ainsi certains spécialistes défendront la cause du contenu de l’éducation formelle, d’autres celle de l’éducation informelle, d’autres encore celle de l’éducation non-formelle. Nous ferons le choix de l’éducation formelle par fidélité à la sociologie de l’éducation comme science des systèmes d’enseignement et leurs résultats non seulement internes mais également sur la société. Si l’éducation formelle nous intéresse ici, Jacques Hallak de l’UNESCO la définit comme :

« un système éducatif avec ses structures hiérarchiques et une succession chronologique d’étapes allant de l’école primaire à l’université et qui englobe, outres les études théoriques de caractère général, divers programmes spécialisés ainsi que des établissements dispensant une formation professionnelle et technique à temps complet. »[8]

L’éducation comme discipline technique tente d’engranger les faits par les méthodes des sciences sociales, d’élaborer des analyses et de découvrir les lois qui régissent les phénomènes éducatifs. Alors ses thèmes modernes touchent

« L’éducation et le développement, l’équité, la qualité de l’éducation, structure, administration et gestion de l’éducation, les programmes d’enseignement, coûts et financement de l’éducation, techniques et approches de la planification, systèmes d’information, suivi et évaluation. »[9]

Les questions éducatives et de la formation font partie des priorités de l’ensemble des Etats du monde, quel que soit leur niveau de développement. Dans tous les programmes de gouvernements de la planète, figurent un voire plusieurs ministères en charge des questions éducatives. Au Togo, tantôt un, tantôt plusieurs ministères, sont institutionnalisés pour administrer l’enseignement primaire, secondaire, technique, supérieur et même de l’alphabétisation. Ce qui dénote l’importance de l’éducation ici et ailleurs.

Faut-il le rappeler que cette importance s’était déjà systématisée au plan international au lendemain de la fin de la Deuxième guerre mondiale par la création de l’UNESCO. Promouvoir l’instruction, la culture, la science, former les spécialistes de l’éducation des Etats membres, conduire un système d’informations générales et statistiques sur l’éducation dans le monde, ont abouti à faire du domaine une discipline scientifique ayant son objet, ses méthodes et ses lois. Il revient à chaque Etat de s’approprier l’apprentissage des sciences, des mathématiques, des lettres, des arts, etc… comme un principe d’utilité publique. D’où l’instauration par l’UNESCO, d’abord de l’éducation pour tous dans l’égalité et l’équité, ensuite celle nécessaire tout au long de la vie. L’éducation dans son essence et excellence devient un sujet permanent pour délivrer les populations de la terre de la misère de l’ignorance, mère de tous les vices humains. Donc personne ne peut boucler sa formation aussi longtemps qu’il soit en vie.

La gloire de l’éducation nous oblige à annoncer que celle-ci doit être simplement aux commandes de l’Homme même si certains dictateurs politiques, économiques, sociaux, religieux et culturels tentent de nier la fragilité humaine. Il est temps qu’ils la rejoignent comme l’art de la vertu et du bien. Aujourd’hui, nombre de bienfaits du progrès de l’éducation formelle dans le monde par l’initiative de l’UNESCO et de ses Etats membres, tombent discrètement au service des tyrans et des négationnistes de tous ordres. En effet, les menaces sérieuses pèsent sur la civilisation humaine, quand bien même certains optimistes tentent de rassurer sur la puissance latente de la culture formelle. Il ne faut pas sous-estimer le rôle nouveau d’une certaine élite sans éthique qui ne tente plus se cacher dans la définition subtile des faits divisionnistes dans l’essor des nouvelles idées terrifiantes chez nous et dans le monde. Cette élite intellectuelle égoïste conduit à douter du caractère exclusivement bénéfique de l’expansion de l’éducation aux quatre coins du monde. L’actuel spectre des dictatures, des nationalismes, des extrémismes, des bellicismes, des violences, des racismes, des suprématismes, des inégalitarismes, des sexismes, des inégalités, des iniquités, etc…apparaissent comme des idéologies savamment développées par les plus instruits du XXI siècle. Les conseillers des régimes politiques les plus corrompus, sanguinaires et maléfistes, ici et ailleurs, ont eu des diplômes scolaires et universitaires parfois dans la catégorie des meilleurs élèves et étudiants. La haine, la domination, les conflits insolubles et l’incivisme qui montent en puissance dans l’environnement local et global perdant ses derniers sages, inquiètent la conscience humaine. La barbarie, parfois d’Etat érigée en système de domination, de contestation ou de répression, ne peut être attribuée aux illettrés, paysans et ouvriers, mais à une élite bien organisée pour maintenir ses avantages et pouvoirs sur les autres humains. La dissémination du mal à travers le monde n’a jamais constitué un phénomène passager. Alors il importe de procéder à la redéfinition de l’éducation formelle véritable par de meilleures politiques.

2 - Notion de politique éducative

Il faudrait d’entrée en jeu avertir que d’aucuns confondent, voire mélangent et caractérisent de politique les plans d’action internes des organes et institutions infra-étatiques souvent autonomes ou déconcentrés ou encore décentralisés, comme si c’était des instruments stratégiques de politique même du gouvernement central soutenus par la majorité parlementaire à l’Assemblée nationale. L’usage abusif du concept de « politique » mène à qualifier parfois tout de politique notamment les initiatives des autorités publiques ou privées de toutes sortes. Il s’agit d’insister ici que l’œuvre relative à l’offre de politique éducative concerne les affaires du Gouvernement central du pays appuyé par les ministères de l’éducation nationale. Tout projet majeur de politique éducative constitue en principe un instrument de l’Exécutif visant à appliquer la loi dans le domaine et sur l’ensemble du territoire national.

Cela dit, revenons à l’origine de la formulation du concept de politique pour affirmer que l’une des voix les plus autorisées à définir la politique reste encore Aristote, père de la discipline scientifique. Lui-même la présente comme la meilleure des sciences qui s’occupe du juste et de l’avantage commun. Ainsi dit-il : « puisque dans toutes les sciences et tous les arts le but est un bien, que le plus grand bien réside essentiellement dans la science qui est absolument souveraine sur toutes les autres, et que c’est la faculté politique, et que le juste c’est le bien politique à savoir l’avantage commun »[10]. Il devient tout à fait normal que tout gouvernement moderne commence par définir sa politique dans chaque secteur avant que ne suivent les programmes concrets pour le développement socio-économique. André Lalande offrant une explication pratique dans ce sens qualifiait la politique « par extension, [comme] action conduite suivant un plan élaboré d’avance. »[11] 

Jacques Hallak fait découvrir justement que « toute décision importante en matière d’éducation est un acte politique. »[12] Surtout lorsqu’elle priorise l’éducation et lui dote de budget conséquent et de ressources pour son expansion. Cependant « l’argent et les ressources matérielles ne sont en aucun cas les seuls facteurs qui déterminent la qualité d’un système éducatif. »[13] Aujourd’hui les menaces de corruption endémique réclament une conception de politique complète faite de vision, de moyens, de stratégies et de contrôle de l’action publique.

Si un gouvernement central n’adopte pas une politique formelle dans un secteur de ses nombreuses compétences ministérielles, il lui serait difficile de conduire un développement harmonieux et une croissance substantielle d’un secteur quelconque. C’est pourquoi toute déclaration de politique doit précéder l’action des hommes et des femmes au pouvoir. L’exécutif généralement constitué de plusieurs ministères, joue sa crédibilité en disposant d’une vision globale pour le pays. Ce qui revient à pousser chaque ministère, chargé d’un domaine de développement, de se doter d’une politique publique avant tout programme et mise en œuvre de batteries de projets et d’activités pour le secteur. Cette politique doit se conformer à la Constitution du pays et aux autres normes inférieures. Tout gouvernement démocratique élu avant son entrée en fonction, le premier ministre procède par une déclaration de politique générale devant les représentants du peuple. A l’instar du premier ministre chaque ministère, avant d’être opérationnel, doit préciser sa politique propre. L’intérêt de la démarche revient à éclairer les intervenants, partenaires et investisseurs du domaine tant nationaux qu’internationaux. La déclaration de politique éducative nationale permet alors de concevoir avec budget à l’appui de meilleurs programmes, projets et activités pour les enseignements primaire, secondaire et supérieur du pays. Sans cette politique, la qualité du service public et la réalisation de l’intérêt commun seraient entamées.

3 – L’égalité

Pour écourter la controverse scientifique, l’égalité représente de manière générale l’art ou la qualité de la justice commutative entre membres d’une entité. Chez les experts de l’UNESCO, « elle est un état de choses : un résultat observable par lequel tous les membres d'un groupe bénéficient des mêmes intrants, produits ou résultats en terme de statut, de droits et de responsabilités »[14]. Appliquée à l’éducation, l’égalité régit le principe par lequel

« Toutes les filles et tous les garçons, toutes les femmes et tous les hommes, doivent se voir offrir les mêmes possibilités de recevoir une éducation de qualité, d'atteindre le même niveau d'instruction et d'en tirer le même profit. Les adolescentes et les jeunes femmes sont parfois exposées à la violence sexiste, au mariage d'enfants, à la grossesse précoce et au lourd fardeau des tâches ménagères, de même que celles qui vivent dans des zones rurales démunies et reculées, aussi requièrent-elles une attention particulière. Dans les situations où les garçons sont désavantagés, des mesures ciblées doivent leur être appliquées. Les politiques visant à remédier à ces inégalités sont plus efficaces lorsqu'elles s'inscrivent dans un ensemble de mesures également axées sur la promotion de la santé, de la justice, de la bonne gouvernance et de l'abolition du travail des enfants »[15].

L’égalité en Education constitue l’un des points majeurs de la déclaration de politique intergouvernementale mondiale[16] qui se compose en 17 Objectifs de Développement Durable – ODD. Il s’agit de l’ODD numéro 4 relative à l’éducation de qualité dans le cadre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Le décodage de l'Objectif de développement durable 4 contient la porté, les conditions et effets attendus en faveur de l’égalité et de l’équité en Education.[17]

4 – L’équité

D’une situation générale, l’équité structure l’art ou la qualité de la justice distributive entre membres d’une entité. Ramené dans le secteur éducatif, les experts de l’UNESCO définit le concept comme

« la mesure dans laquelle, en matière d'éducation, l'accès et les possibilités offertes aux enfants et aux adultes répondent à l'exigence de justice. Cela implique la réduction des disparités fondées sur le genre, la pauvreté, le lieu de résidence, l'appartenance ethnique, la langue et d'autres caractéristiques »[18]. L’utilisation de « ce critère fait référence à une finalité universellement admise de la scolarité : garantir l'égalité d'accès aux offres, aux ressources et aux résultats éducatifs, quels que soient le sexe, la classe sociale, la race, la langue et le lieu d'implantation géographique des élèves. L'équité peut être mesurée en termes d'intrants - tous les élèves reçoivent-ils de l'Etat suffisamment de ressources et de moyens pour répondre à leurs besoins ? Les élèves qui ont des besoins particuliers bénéficient-ils d'une éducation appropriée ? L'équité peut également être mesurée en termes de résultats - tous les élèves possèdent-ils à la fin de leur scolarité des compétences suffisantes et des chances raisonnables de progresser dans la vie. »[19]

Faut-il le rappeler que l’équité rejoint l'Objectif de développement durable numéro 4 pour davantage d’efficacité dans tout système éducatif national.

5 – L’efficacité en éducation

Il y a lieu de ne pas confondre l’efficience[20] et l’efficacité dans une entreprise publique ou privée. En Education deux variables économiques majeures permettent de mesurer la valeur ajoutée qu’induit le secteur de l’éducation et de la formation : l’efficacité interne et l’efficacité externe.

5.1 - L'efficacité interne

Les spécialistes de l’éducation de l’UNSCO réagissent pour éclairer que l'efficacité interne d'un système éducatif

« concerne l'utilisation optimale de ressources (intrants) pour produire des extrants. Des évaluations de l'efficacité interne sont souvent établies pour un niveau éducatif spécifique, par exemple le primaire, et l'indicateur le plus simple de l'efficacité interne est le coût unitaire de produire une unité d'extrant, qui peut être un élève diplômé à ce niveau, ou un élève qui montre un certain niveau de connaissances dans un domaine. »[21] A ce sujet « les taux de redoublement sont un remarquable indicateur des performances des systèmes éducatifs. Convertis en coûts de production des diplômés, ils constituent un instrument de mesure de l'efficacité interne de l'allocation des ressources. »[22]

5.2 – L’efficacité externe

L'efficacité externe d'un système éducatif est mesurée par les experts de l’UNESCO

« en observant le parcours des diplômés de différents niveaux du système sur le marché du travail, relatif au coût de leur éducation. Par exemple, un système a une faible efficacité externe si elle produit des diplômés qui ne correspondent pas à ce dont la société, l'économie ou les niveaux supérieurs d'enseignement ont besoin. Par exemple, ils peuvent ne pas être également « employables », avoir une optique uniquement académique, être peu disposés à travailler dans les zones rurales ou enclins à quitter le pays. Il est utile d'avoir des indicateurs de l'efficacité externe afin de guider l'allocation des dépenses du gouvernement aux différents niveaux éducatifs, par exemple au pré-primaire par rapport au primaire supérieur, mais aussi entre différents types d'éducation. Par exemple, un bilan des parcours de diplômés de l'enseignement professionnel pourra aider à déterminer s'il faut réduire ou augmenter les capacités d'accueil de ces formations. »[23]

6 – L’évolution de l’analyse en Education face à l’exigence des politiques éducatives modernes

Depuis sa fondation au début du XXème siècle par Emile Durkheim, premier auteur à découvrir le caractère social et connaissable de l’éducation[24], l’effort d’analyse de la sociologie de l’éducation porte sur les premières approches définitoires de l’éducation et l’institution scolaire. Celles-ci représentent globalement le domaine privilégié de l’action scientifique des spécialistes de l’éducation en quête de l’amélioration des conditions d’égalité de chance à l’école, cela par la collecte des données quantitatives et informations qualitatives en vue de l’analyse.

6.1 - La sociologie de l’école

La sociologie de l’institution scolaire correspond aux premiers travaux de Durkheim, d’ailleurs enseignés d’abord à la Sorbonne[25]. Il posa les bases d’une sociologie de l’éducation consacrée à la psychologie de l’enfant, à l’esprit de discipline qu’inculquent les maîtres, au fonctionnalisme de l’institution scolaire au départ entre les mains de la famille puis de l’Eglise et enfin l’Etat. La forte imprégnation de l’approche historique et morale de l’éducation rappelle les conditions de création de l’instruction publique par l’homme d’Etat Jules Ferry, puissamment et probablement inspiré par l’ancienne œuvre de l’empereur de l’Europe chrétienne, Bismarck. L’ampleur de la doctrine de Durkheim se mesure à l’histoire de l’enseignement en France décrite pour caractériser la genèse des écoles, des collèges, des lycées, des universités, bref des institutions de formation[26]. L’école devrait servir d’outil de construction de la République dans sa mission de transformation sociale. Plus tard, la démarche statistique des données scolaires des auteurs classiques récents, a contribué à l’explication des conditions de production, d’évolution et d’émergence des premiers cadres et élites de l’Administration publique. Le domaine de la sociologie de l’éducation se limitait, alors à tout ce qui se passait à l’école au sens large. Les faits de l’ancien ministère de l’instruction publique et ceux de la hiérarchie de la première administration de l’éducation, intéressaient peu a priori les pionniers de la sociologie de l’éducation qui considéraient singulièrement ces faits comme phénomènes politiques, même s’ils concernaient les enseignants.

6.2 – La sociologie des enseignants

Les phénomènes sociaux des maîtres, instituteurs et enseignants des degrés d’éducation supérieurs composeront le champ préféré de la sociologie de l’éducation. Les faits des enseignants devenaient intéressants pour la discipline. Les auteurs mesuraient les pratiques éducatives des maîtres et autres éducateurs, en particulier sur l’enseignement, l’évaluation, le contrôle, la discipline, la punition et les sanctions qui participaient à la détermination des cursus scolaires. Les méthodes pédagogiques les plus productives en termes de théories éducatives, d’apprentissages des élèves et de formation des enseignants, sont observées et étudiées à la loupe par les chercheurs en éducation pour les importer dans l’organisation du système éducatif national. Les variables éducatives sur le recrutement et l’affectation des maîtres, les besoins du personnel enseignant, la formation des instituteurs, les recyclages, stages, les rapports classe-élèves, maître-élèves, les charges d’enseignement, emplois du temps scolaires, manuels scolaires, déperditions scolaires et normes scolaires semblent être corrélés aux apprentissages et résultats des élèves. Avec Gilles Ferréol et compagnie[27], la carrière des enseignants, le degré de motivation, puis avec Mohamed Cherkaoui[28], la morphologie et les caractères originaux du corps enseignant, enfin avec Pierre Merle[29], l’efficacité des maîtres, les pratiques pédagogiques, etc… intègreront clairement la sphère des études éducatives.

Si les programmes d’enseignement faisaient partie de l’objet de la discipline, leur contenu s’éloignait de celle-ci, parce qu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les curricula avaient une charge beaucoup plus politique qu’académique, en conséquence échappaient à l’investigation des chercheurs en Education.

6.3 – La sociologie des élèves

Les apprentissages et le développement social des élèves demeurent au centre de la préoccupation de plusieurs chercheurs en éducation. Auparavant, les débuts scolaires de la petite enfance et des écoliers ont fait l’objet de travaux de recherche liés aux « compétences nécessaires à la lecture, à l’écriture… l’arithmétique… [au] langage, [à] l’autonomie, [aux] relations sociales avec les pairs. »[30] A un certain moment donné de l’histoire de l’éducation, le profil des élèves selon les spécialistes de l’éducation, influence les flux des apprenants à travers le système éducatif au point de constituer un champ fertile pour la discipline. L’essentiel des analyses portait sur leur origine sociale, leurs conditions socio-économiques à relier aux résultats scolaires. Les variables éducatives telles l’accès aux scolarisations et scolarités sanctionné par les promotions, redoublements et abandons. Les questions d’efficacité interne, de la rétention des élèves, des intrants, extrants et ratios éducatifs, enfin de la déperdition scolaire enrichissaient le domaine de l’analyse éducative.

Christian Baudelot et Roger Establet[31] partent de l’interprétation marxiste pour extraire une sociologie de l’éducation capitaliste basée sur la détection de l’influence que subit le système éducatif de la part des forces dégagées au cours de l’évolution de la lutte des classes. Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron[32] estiment que l’école reste un agent de sélection au détriment des élèves défavorisés qui subissent une violence sociale de dimension symbolique. L’institution scolaire fonctionne à l’image de la société inégalitaire. Les auteurs comme Raymond Boudon[33] établiront plusieurs rapports entre faits éducatifs et une société de plus en plus libérale. Les comportements individuels se répercutent à travers les flux des cohortes scolaires non sans calculs sociologiques rationnels. Plus tard, les interrogations sur le problème de genre dans le système éducatif, la scolarisation de la jeune fille et des femmes, les écarts-disparités entre genres et même entre espaces perfectionnaient la recherche sociologique en éducation. L’intervention de Marie Duru-Bellat et Agnès Henriot-Van par l’approche de la nouvelle socialisation contemporaine relève une certaine évolution scolaire positive des filles[34].

Les données massives recueillies sur les élèves, parents d’élèves et comportements enregistrés sur des ménages, édifieront les distributions des succès, échecs et abandons scolaires. De nos jours la sociologie de l’éducation investit encore l’univers des effectifs scolaires, les évolutions quantitatives à coupler avec les prévisions des besoins en intrants scolaires en termes d’infrastructures, de structures et de superstructures du système éducatif. Les cursus scolaires ne sont plus des données naturelles, mais des données statistico-éducatives fondées sur des lois scientifiques à découvrir par l’analyse et l’interprétation sociologiques.

6.4 – L’efficacité interne comme but ultime fixé à l’analyse de la sociologie de l’éducation

L’efficacité interne « signifie, au sens littéral du terme, la réalisation d’objectifs… éducatifs fondamentaux. »[35] A partir des intrants composés d’élèves et de ressources qui les accompagnent, des processus s’exercent sous forme de méthodes pédagogiques pour la production des extrants qui correspondent aux élèves avec leurs résultats selon Jaap Scheerens. L’efficacité scolaire, le rendement scolaire, les taux de réussite, de redoublement, d’abandon alimentent des recherches sociologiques.

Les études portant sur le système éducatif ont pour objectifs affichés, de contribuer à éclairer les facteurs qui influencent l’efficacité interne du système éducatif. En d’autres termes, comment expliquer les taux de réussite, de redoublement, d’abandon, devenait l’enjeu des chercheurs en sociologie de l’éducation. La pertinence de la finalité attendue de tout système éducatif réside, alors dans l’activité de produire davantage de meilleurs résultats en enregistrant moins d’échecs, de redoublements et d’abandons.

Si une société connaît de meilleurs taux scolaires et d’alphabétisation, néanmoins génère des crises socio-politiques et révoltes incessantes, la recherche sur l’éducation doute des louanges apportées au système éducatif en présence. Pour ce faire, les démonstrations nécessaires en vue de parvenir un jour à changer de paradigme éducatif, consistent à établir désormais une relation de cause à effet entre multiplication des crises politiques, sociales, économiques, environnementales et l’inefficacité dissimulée du système éducatif national. Alors l’objet de la sociologie de l’éducation prend le risque de déborder l’actuel champ étroit presqu’exclusivement réservé à la prospection de l’intérieur de l’école, du collège, du lycée, de l’université, voire des ministères en charge du système éducatif.

7 – La nouvelle sociologie de l’éducation

L’Education comme discipline scientifique incarne à la fois une démarche locale et globale pour porter son analyse non seulement sur l’institution scolaire, mais sur toutes les autres institutions de l’Etat, publiques ou privées, parce que toutes influencent le système éducatif et réciproquement. Déjà en 1986, Mohamed Cherkaoui affirmait que « les thèmes qui relèvent de la sociologie de l’éducation sont si variés que l’on aurait tort de penser qu’ils [paraissent clos, et fermés]. »[36] Les données sur les élèves, enseignants et intrants éducatifs deviennent de plus en plus complexes depuis l’accroissement massif de la demande sociale pour l’éducation, la formation technique et professionnelle.

En effet, toutes les personnes physiques ou morales, privées ou publiques ont compris la valeur de l’éducation formelle comme moyen d’entrée dans la vie active et productive. L’apprentissage par tous des mathématiques, des sciences exactes, sociales, humaines, de l’art, des métiers, etc… contribue au bien-être individuel et collectif.

Cependant, les crises multidimensionnelles, socio-politiques et révoltes que connaît la société trouvent ses racines dans la manière dont s’éduquent et croient les populations. Le système éducatif en souffrance silencieuse par sa qualité douteuse ou ses manifestations tumultueuses, sous forme de grèves répétitives des enseignants, élèves et étudiants, commande une remise en cause de l’objet de la sociologie de l’éducation à la hauteur du défi d’un système éducatif capable de déclencher le développement global de la patrie en demande de changement structurel.

7.1 – La connaissance des conditions éducatives quantito- qualitatives et leurs effets internes

Il faut reconnaître que dès sa naissance sous l’impulsion d’Emile Durkheim, la sociologie de l’éducation n’était pas confrontée aux crises multiples, profondes et systémiques des sociétés modernes actuelles, en particulier celle du Togo. Si les travaux des auteurs antérieurs se cantonnaient sur les aspects intérieurs et immédiats de l’éducation nationale, c’était à juste titre.

La sociologie de l’école, des enseignants et des élèves se trouve justifiée historiquement pour cerner les principales conditions, causes et effets des activités éducatives orientées vers les objectifs internes à atteindre par les ministères de l’éducation. Il s’agit de plus de taux de succès des élèves et étudiants ; de moins de taux d’échecs et d’abandons des apprenants dans les écoles, collèges, lycées et universités.

Les faits éducatifs relatifs à l’efficacité interne du système de l’instruction publique, devraient concerner prioritairement l’analyse sociologique en éducation. Les aspects de coûts, de dépenses publiques et privées, le financement, bref les ressources en éducation formulent de nouveaux paramètres à intégrer dans les enseignements et études de la science de l’Education. Les infrastructures, structures et superstructures internes et externes du système éducatif deviennent les objets directs du champ scientifique, sans oublier la question de la corruption dans les dépenses courantes, d’investissement et l’exercice des fonctions de gouvernance, d’administration, de gestion, etc… des établissements scolaires et universitaires du Togo.

Par ailleurs, la situation actuelle de notre société nationale, mise en deuil général permanent par les crises socio-politiques sanglantes et révoltes interminables avec leur lot de violences singulières dans la sous-région limitrophe, pousse davantage à l’élargissement du périmètre d’action scientifique de la discipline « Education ».

7.2 - La connaissance des conditions éducatives quantito- qualitatives et leurs effets externes

L’efficacité externe du système éducatif vise l’accomplissement de l’œuvre du développement social, économique, politique et environnemental de la Cité qui investit et finance les enseignements formels. En face de l’arrivée sur le marché du travail des extrants ou produits éducatifs que Jaap Scheerens nomme encore résultats des institutions publiques et privées de formation, les chercheurs ont à répondre aux questions suivantes relatives au système éducatif en présence : « Fonctionne-t-il comme il est souhaitable ; répond-il aux objectifs nationaux, qu’ils soient déclarés ou non ? Si ce n’est pas le cas, quelles contraintes rencontre-t-il et quelles sont les possibilités de changement ? »[37]

Pour changer une société, il faudrait transformer d’abord sa stratégie d’éducation nationale qui reste le pilier central de toute cause humaine, sociale, économique, politique et environnementale. Les crises naissent de l’ignorance humaine ou de l’incurie ou encore du refus rusé et de force d’application des lois découvertes par les sciences exactes, sociales et humaines. La localité et la globalité des crises actuelles plus menaçantes encore à l’encontre du vivre ensemble implique que l’objet de la sociologie de l’éducation dépasse le cadre scolaire pour se parachever en direction de ce qui se passe après l’école, le collège, le lycée et l’Université. Il s’agit concrètement de la connaissance scientifique des processus sociétaux dans la Cité à travers ses rapports sociaux complexes qui dénotent de la qualité de l’éducation formelle en partage entre citoyens. Un premier constat indique que les conflits socio-politiques locaux se déduisent du refus d’appliquer les découvertes et résultats civilisationnels amassés par le système éducatif moderne et véhiculés dans la nation à un certain moment donné de l’évolution de l’histoire, comme connaissances, savoirs et valeurs. Le deuxième constat rappelle qu’il ne peut exister une efficacité interne d’un système éducatif sans sa coordonnée d’efficacité externe avérée.

La qualité de l’école devient celle de l’Etat ; le triomphe de l’Etat est celui de l’école. Système éducatif et Etat vont de pair ; jamais l’un ne s’épanouit et fonctionne bien sans l’autre. L’erreur épistémologique à corriger à l’Université de Lomé revient à créer un Département de l’Education et à ne pas enfermer la sociologie de l’éducation dans une singulière étude de l’institution scolaire, mais la reconstituer avec une mission d’enseignement éclairant la confrontation entre interactions de l’ensemble des institutions éducatives et celles de l’Etat. Cela permet d’une part, de comprendre les crises du système éducatif en remontant aux faits de l’Etat et d’autre part, l’explication des crises de la Cité en relation avec les phénomènes éducatifs institutionnels, c’est-à-dire formels. L’étude de l’Education comme discipline scientifique associe l’aspect des données externes, à savoir la connaissance du Droit, des pouvoirs et de l’Etat. Enfin de compte l’Education s’offre en valeur ajoutée sur elle-même et sur l’Etat en vue de la transformation globale de la société.

7.3 - Cadre logique de la nouvelle sociologie de l’éducation justifiant l’analyse relative à l’efficacité éducative interne et externe

S’agissant du projet d’instituer l’étude complète de la sociologie de l’éducation, à ce stade d’analyse, il convient de la désigner tout court « Education »[38] ; les aspects internes du système éducatif et des ministères de tutelle, intéresseront la discipline autant que les questions scientifiques externes au système éducatif, à savoir l’Etat, le budget de l’éducation, le Droit, les pouvoirs, le fonctionnement des institutions, l’économie, le marché de l’emploi, l’environnement, etc.

Les spécialistes de l’éducation « ne peuvent, tout d’abord, ignorer les contraintes juridiques résultant de dispositions constitutionnelles, législatives ou réglementaires »[39], voire judiciaire. Certains auteurs « de la sociologie de l’éducation réclament aujourd’hui encore des études patientes et compléments nécessaires… rapports entre le politique et l’éducatif… l’effet de l’éducation sur le politique… la nature du système politique sur l’éducatif. »[40] En détail, il faudrait que les nouveaux chercheurs apportent des réponses nouvelles aux problèmes éducatifs et de l’Etat. Pourquoi le développement de l’éducation ne produit-il pas une société plus démocratique, mais une société inégalitaire en crise sociopolitique récurrente ? Est-ce que la condition d’exercice du suffrage universel reflète le niveau d’éducation atteint par le pays ? A quelles conséquences s’attendre lorsque le niveau éducatif augmente dans un pays et ne s’accompagne pas de la consécration du suffrage universel comme moyen pacifique de rotation des pouvoirs ? Quels sont les enchaînements de l’abandon des pouvoirs entre les mains d’une seule autorité publique nationale ? Comment expliquer la carence de l’Etat de droit dans une société instruite ? Quels sont les réels obstacles à la mise en œuvre de la décentralisation ? Etc.

La corruption et les détournements de fonds publics consacrés à l’éducation au niveau de l’Etat central en passant par l’opacité, l’autoritarisme, l’abus de pouvoir dans la gestion des affaires scolaires et universitaires, interpellent l’observateur du système éducatif. Le non-respect de certaines normes et règles en vigueur dans le pilotage des services de l’éducation, commande une analyse pour comprendre les conditions de ces dysfonctionnements. Les multiples crises ouvertes ou sournoises secouant le système éducatif actuel comporte en soi l’obligation d’expliquer la nature profonde des causes humaines, socio-politiques dans la dégradation de la qualité de l’éducation, des apprentissages et acquisitions cognitives. Les causes sociétales se recherchent clairement au niveau aussi bien des comportements répréhensibles des apprenants et des enseignants que l’élite dirigeante du système éducatif. Bien entendu, « une sociologie de l’évaluation scolaire inclut les études qui ont, en quelque sorte, cherché à évaluer les maîtres, et plus précisément, à déterminer les variables liées à leur efficacité. »[41]

D’autres interrogations surgissent dans le champ analytique de l’Education. Quel est l’état de l’intégration des technologies de l’information et de la communication -TIC dans le pays et son système éducatif ? Concrètement l’histoire des TIC, a-t-elle fait l’histoire d’accès de la majorité des enseignants, élèves et étudiants aux nouvelles technologies ? Nous noterons qu’« il existe trois manières d’aborder les TIC : l’apprentissage des TIC, l’apprentissage avec les TIC et l’apprentissage par les TIC. »[42] L’ensemble des éléments cités constitue des produits d’application des principes issus de l’école, du collège, du lycée et de l’Université. L’analyse de l’influence des éléments décrits, renforce la contribution de la science de « l’Education » à bâtir dans le pays les meilleurs établissements scolaires et universitaires. Par répétition, l’éducation implique tout ce qui existe dans l’environnement, y compris nous-mêmes et nos faits publics ou privés.

Les universités publiques ont l’obligation de donner des enseignements complets concernant des études à offrir en Education qui couvre l’ensemble des faits éducatifs partant de l’intérieur de l’institution scolaire et universitaire pour se manifester dans les démembrements de l’Etat en vue du fonctionnement harmonieux de la société locale et globale. Les actes publics en direction du système éducatif alimentent l’observation scientifique destinée à mesurer leur influence sur la situation concrète de l’école, du collège, du lycée, etc.

Conclusion

Les questions de qualité, d’égalité, d’équité d’efficacité interne-externe éducatives dans un Etat s’améliorent par deux voies complémentaires : la volonté politique et l’activité scientifique de l’élite, en l’occurrence celles en sciences de l’éducation. C’est dire que les découvertes et résultats de l’analyse scientifique n’ont d’effets que s’ils sont transposés par le politique dans les lois du pays, la praxis sociale, les programmes et projets de développement durablement intégrés au moyen des courroies de distribution de pouvoirs à savoir, populations, Assemblée nationale, Exécutif, voire le Judiciaire.



[1] Déjà en 2010, le Togo comptait environ :

- 1 300 000 écoliers au primaire, répartis dans 6 049 écoles sous la responsabilité de 31 712 enseignants ;

- 350 000 collégiens inscrits dans 1 100 collèges sous la conduite de 9 185 enseignants ;

- 120 000 lycéens distribués à travers 165 lycées sous l’attention de 4 000 enseignants ;

- 50 000 étudiants reçus principalement dans deux (2) universités publiques sous la direction de 1 000 enseignants. 

[2] Aristote (2008) : Les Politiques, Paris, Flammarion, P. 410.

[3] Ibidem, P. 433-435.

[4] Ibidem, P. 411.

[5] Durkheim E. (1922) : Education et sociologie, Québec, Edition électronique Cégep de Chicoutimi, P. 9. -Texte téléchargeable gratuitement sur http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques des sciences sociales/index.html

[6] Cherkaoui M. (1986) : Sociologie de l’éducation, Paris, PUF, P. 3.

[7] Ferréol G. et al. (1995) : Dictionnaire de sociologie, Armand Colin, Paris, P. 69.

[8] Hallak J. (1990) : Investir dans l’avenir – Définir les priorités de l’éducation dans le monde en développement, Paris, L’Harmattan, P. 6.

[9] Kellaghan T., Greaney V. (2002) : L’évaluation pour améliorer la qualité de l’éducation, Paris, UNESCO, P. 7.

[10] Aristote, op. cit., P. 161.

[11] Lalande A. (1988) : Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris, PUF seizième édition, P. 786.

[12] Hallak J., 1990, op. cit., P. 81.

[13] Hallak J. et Poisson M. (2009) : Ecoles corrompues, universités corrompues : que faire ? Paris, UNESCO, P. 123.

[14] Institut International de Planification de l’Education de l’UNESCO.

[15] Ibidem.

[16] Résolution adoptée par l’Assemblée Générale des Nations-Unies le 25 septembre 2015.

[17] UNESCO (2017) : Comprendre l'Objectif de développement durable 4: Education 2030, Paris, UNESCO.

[18] Institut International de Planification de l’Education de l’UNESCO.

[19] Ibidem.

[20] Fait de produire plus de résultants possibles à partir des ressources et temps alloués et cela dans une démarche d’économie des intrants.

[21] Institut International de Planification de l’Education de l’UNESCO.

[22] Eisemon T. O. (1997) : Réduire les redoublements : problèmes et stratégies, Paris UNESCO, P. 15.

[23] Institut International de Planification de l’Education de l’UNESCO.

[24] Durkheim E., 1922, op. cit.

[25] Durkheim E. (1925) : L’éducation morale, Paris, PUF, nouv. Éd., 1963.

[26] Durkheim E. (1938) : L’évolution pédagogique en France, Paris, PUF, nouv. éd. 1969.

[27] Ferréol G. et al., op. cit.

[28] Cherkaoui M. (1986) : Sociologie de l’éducation, Paris, PUF, P. 70.

[29] Merle P. (1998) : Sociologie de l’évaluation scolaire, Paris, PUF, PP. 96-99.

[30] Weikart D. P. (2000) : L’éducation de la petite enfance : l’offre et la demande, Paris, UNESCO, PP. 42-43.

[31] Baudelot C. et Establet R. (1971) : L’école capitaliste en France, Paris, Maspéro.

[32] Bourdieu P. et Passeron J.-C. (1970) : La reproductionEléments pour une théorie du système d’enseignement, Paris, Editions de Minuit.

[33] Boudon R. (1973) : L’inégalité des chancesLa mobilité sociale dans les sociétés capitalistes, Paris, A. Colin.

[34] Duru-Bellat M., Henriot-Van Z. A. (1972) : Sociologie de l’école, Paris, A. Colin.

[35] Scheerens J. (2000): Améliorer l’efficacité des écoles, Paris, UNESCO, P. 21.

[36] Cherkaoui M., op. cit., P. 119.

[37] Kemmerer F. (1994) : L’analyse sectorielle de l’éducation et ses utilisations, Paris, UNESCO, P. 18.

[38] Au sens de « éducation-métrie » ou « éducation-logie », néologisme pour représenter l’étude, mesure et discours scientifiques des faits éducatifs.

[39] Durand-Prinborgne C. (2000) : Aspects légaux de la planification et de l’administration de l’éducation, Paris, UNESCO, P. 19.

[40] Cherkaoui M., op. cit., PP. 121-122.

[41] Merle P. (1998) : Sociologie de l’évaluation scolaire, Paris, PUF, P. 4.

[42] Pelgrum W. J., Law N. (2004) : Les TIC et l’éducation dans le monde : tendances, enjeux et perspectives, Paris, UNESCO, P. 23. 


ALEZA Sohou, Université de Lomé.

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